Rencontre avec Philippe MOTTET, Maire d'Angoulême

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Angouweb, le site d'Angoulême et des Angoumoisins ! Eh bien, il était grand temps pour nous de rencontrer le premier de ses représentants ! Grands projets de la ville, Fusée Tintin, Suicide des Jeunes, Politique...

Rencontre avec Philippe MOTTET, Maire d'Angoulême.




PROJETS DE LA VILLE :



Quels sont les grands projets de la ville en matière d'urbanisme et de développement économique ?


Les projets portent autour de plusieurs idées.
Tout d’abord, la redynamisation du centre ville : pour cela, nous avons engagé plusieurs projets cette année, notamment autour des différentes places (Saint Martial, requalification de la rue de Périgueux, mais aussi le projet d’aménagement de la place de l'Hôtel de Ville et Francis Louvel).
2eme axe important, la revitalisation du commerce au centre ville plus particulièrement autour des halles : gros chantier que nous avons engagé et qui va se terminer dans deux mois.

Un autre point sur lequel nous travaillons beaucoup concerne la valorisation de la ville au travers de son patrimoine et de son image, à la fois auprès des habitants et à l’extérieur. Cela comprend tout ce qui a été fait pour la valorisation du cadre urbain : l’opération de réhabilitation des façades, la mise en lumière de la ville, tout ce qui concerne le plan propreté, la dimension environnementale, la valorisation du fleuve avec la création à Port l’Houmeau d’un port fluvial, les murs BD : l’ensemble de ces travaux illustre bien notre volonté de changer l’image de la ville, de valoriser le patrimoine et en même temps la tourner vers son avenir…


Toujours cette double ambition : faire ressortir les racines historiques de cette ville et en même temps l’orienter vers son avenir, vers ce qu’elle est c’est-à-dire pour moi une ville jeune, dynamique, tournée vers la créativité, l’innovation dans la Bande Dessinée et les nouvelles technologies de l’image. C'est d'ailleurs le fondement même de Magelis et de son implantation dans la ville : allier racines et modernité.





Quelle est la politique de la Ville en matière de réhabilitation des ZUP ?

Nous avons, depuis plusieurs années, travaillé sur la réhabilitation des quartiers d’habitat social avec une première rénovation du secteur de Basseau, une seconde pour le quartier de la Grande Garenne et une troisième avec le quartier de Bel-Air et de la Grand'Font qui se termine cette année. Dans le même temps, j’ai engagé une réflexion autour de la requalification, c’est-à-dire du renouvellement urbain, du secteur de Ma Campagne, plus particulièrement l'îlot Jean Moulin que l’on appelle les 850.

C’est un dossier qui est long et complexe, d’abord parce qu’il s’agit de réfléchir au devenir du quartier le plus peuplé de la ville (un quart des habitants d’Angoulême y vit), qui est très vaste et qui allie à la fois du résidentiel et de l’habitat collectif. Je souhaite que ce dernier grand quartier d’habitat social à réhabiliter soit traité de manière globale. Que l’on ne dise pas “on va repeindre la cage d’escalier et on aura réglé le problème des 850 ”.

Comment est-ce que l’on fait évoluer le quartier en prenant à la fois ses forces et ses faiblesses ? Il y a un certain nombre d’atouts notamment en matière d’équipements : collège, lycée, commerces, stades, MJC et des faiblesses puisque sur certains immeubles on observe une tendance à la "ghettoïsation" qui font qu’aujourd’hui il n’y a plus de renouvellement de la population. A un moment où l’on parle de mixité sociale, cette mixité n’existe plus ! Mon projet est d’agir dès cette année sur les travaux d’urgence, ce qui me paraît être prioritaire, en matière de sécurité, et tout ce qui participe de la vie quotidienne, tout en menant de front une réflexion sur la mixité sociale pour montrer aux habitants que l’on s’occupe de leurs préoccupations et de leurs demandes : comment fait-on pour que cette concentration de logements sociaux ne soit pas à terme un lieu d’exclusion ?


Pour moi, cela passe nécessairement par moins de logements et une dédensification des logements. Des logements mieux répartis dans la ville, sur le quartier, sur l’agglomération et donc de nouveaux espaces à créer sur le secteur de Ma Campagne.



Pour l'enseignement supérieur, que peut faire la Ville pour le développement de l'université à Angoulême ?



La Ville peut intervenir sur l’environnement estudiantin comme le logement, les services offerts aux étudiants. On sait très bien que le reste est de la responsabilité de l'Etat. Cette année, on construit pour la rentrée, une trentaine de logements à SILLAC en face de l’IUT. Par ailleurs, on a un projet de 70 logements estudiantins en centre ville rue Saint Joseph.


J’ai la volonté d’ancrer la vie estudiantine dans le centre d’Angoulême. Je pense que si on veut créer un esprit estudiantin, il ne faut pas que les étudiants soient disséminés ; on a environ 3 000 étudiants sur l’ensemble des formations post-bac, il faut créer des lieux où ils puissent vraiment se retrouver pour faire vivre cet “esprit ” qui me paraît vraiment indispensable. En même temps que l’on développe le Pôle Image, on fait venir des créateurs tout cela doit s'enchaîner.

Donc, il ne faut pas faire de complexe mais il n’y aura jamais 20 000 étudiants à Angoulême ; on connaît la démographie universitaire, on a 2 universités en plein exercice dans la région, je pense qu'Angoulême doit développer des pôles d’excellence sur tout le secteur de l’image. Nous devons être un lieu de formation des nouvelles technologies liées au domaine de l’image et développer nos savoir-faire et nos points forts.



Que pensez-vous d'Internet et de la nouvelle économie ?

Je pense que la nouvelle économie est avant tout un nouveau mode de vie et un nouveau mode de comportement. Finalement, les liens sont plus directs et facilités, impliquant des idées d'échanges permanents. En quelques années (presque en quelques mois), le concept de “nouvelle économie ” s’est imposé comme une réalité ; je pense que c’est lié à l’évolution des technologies, c’est en tout cas un lieu d'éclosion d’initiatives notamment portées par les jeunes. Toute la créativité dans ce secteur est portée par des gens de votre âge, voire de mon âge…C’est aujourd’hui une réalité qui nous impose des approches pour les aides et les soutiens aux entreprises complètement différents.



La municipalité prévoit-elle une action spécifique pour en favoriser le développement et notamment en accompagnant les projets, les associations dont c'est l'objet ?

La municipalité oui, mais pas seule puisque maintenant tout le développement économique est du ressort et de la compétence de la communauté d’agglomération. Mais il est clair que dans une ville qui développe un projet comme le Pôle Image, nous nous devons d’être connectés sur toutes les entreprises Internet et la nouvelle économie. Je tiens à rappeler également que la Ville soutient fortement le projet d'UDALCOMS, par exemple en offrant des locaux gratuits et en apportant des subventions permettant notamment le financement des deux postes emploi-jeune. De même, en tant que Maire et Vice-président du Conseil Régional, j'ai obtenu un soutien important de la Région à un projet commun à plusieurs centres sociaux, et piloté par UDALCOM'S pour permettre un plus large accès à internet aux jeunes des quartiers.



Quelle est la politique de la ville en matière de multimédia ?

La ville est un des 2 piliers du Pôle Image avec le Conseil Général regroupés dans un syndicat mixte du Pôle Image. Nous soutenons ces activités que ce soit sur le plan de l’immobilier d’entreprise (c’est-à-dire de localiser et implanter physiquement des activités) que ce soit sur le plan de la promotion (avec les moyens que l’on met à disposition en terme de communication). Mais la nouvelle économie ne vivra pas des subsides des fonds publics.

Qu’il y ait une aide au démarrage ça me paraît tout à fait normal, mais on ne peut pas se prétendre complètement intégré dans cette économie en attendant tout, des financements publics !






LE PROJET FUSEE DE TINTIN :



Vous êtes l’un des fervents défenseurs du projet, pourquoi ? Que diriez vous aux sceptiques, notamment ceux qui le trouvent cher? On parle de 10 000frs par Angoumoisin…



D’abord, la fusée Tintin, c’est l’emblème de Magelis et du Pôle Image. Aujourd’hui, la ville est connue pour son festival de la bande dessinée, demain elle sera connue et reconnue internationalement POUR la fusée et PAR la fusée ; c’est déjà un premier point, il n’y pas beaucoup de villes aujourd’hui qui sont capables d’avoir un totem aussi fort et symbolique. Donc à ce titre, la fusée doit être un élément d’identification et de communication, ce qui est extrêmement important.

Deuxièmement, le projet fusée Tintin s’intègre dans un ensemble. Ce n’est pas juste une fusée : c’est la fusée Tintin au cœur d’un espace découverte, d’animations, ludique, scientifique également, autour des technologies de l’image en lien avec la BD et le dessin animé. C’est donc un projet plus global.


Troisièmement, le coût. Rappelons que lorsqu'on parle d’une somme importante de l’ordre d’un milliard quatre, cela comprend le projet dans sa totalité c’est-à-dire la composante économique : création, implantation d’entreprises au Pôle Image, des aménagements que l’on va faire en terme de voirie, de construction de parking, c’est donc tout le renouvellement urbain du secteur de l’Houmeau et de Saint Cybard, Frégeneuil ; c’est ensuite l’aspect formation et tout ce qui concerne le volet ludique, découverte, etc.…ce sont tous ces éléments qui seront mis en place sur 10 ans avec des aides, des programmes européens sur lesquels on est déjà inscrit. S’agissant du coût, je crois qu’il faut relativiser les choses. Et n'oublions pas que c'est un projet qui doit être une "locomotive" du développement, qui intéresse non seulement la Ville et la COMAGA, mais bien entendu toute la Charente et même la Région.

Les responsables que nous sommes, que ce soit la ville, le département, la COMAGA, nous sommes évidemment soucieux d’avoir une gestion rigoureuse. Si depuis 2 ans je baisse la fiscalité à Angoulême, ce n’est pas, pour demain, l’augmenter mais en même temps il faut savoir quelle est l’ambition pour notre agglomération, et moi, je suis convaincu que c’est devenu aujourd’hui une nécessité d’avoir un projet ambitieux pour la ville.



Le coût du projet ne va t-il pas compromettre d’autres projets sur Angoulême ? La médiathèque par exemple ?

La médiathèque fait partie du projet du Pôle Image ; on parle aussi de mégathèque : il ne s’agit pas d’une très grande médiathèque mais d’un centre de ressources d’images et d’audiovisuel, complémentaire à la médiathèque mais qui sera centré sur l’image.


Pensez-vous que les Angoumoisins adhèrent à ce projet ? D’une manière générale, comment un élu sait-il qu’il a l’adhésion de ses concitoyens sur les décisions qu’il est amené à prendre ?

C’est une très bonne question ! C’est toujours très difficile de savoir si ce que l’on fait ou va faire correspond à un besoin pour les habitants et, ensuite, même si c’est ressenti par certains, qu’en est-il de la majorité ?

En même temps, l’élu c’est celui qui a en charge les responsabilités de la gestion, donc doit faire des choix. Prenons l’exemple du plan Lumière : quand j’ai présenté ce projet pour la première fois, certains ont dit : “ qu’est ce que c’est que cette idée ? Ca va coûter cher… ” et puis finalement, les gens ont trouvé ce que je recherchais : l’élément d’identification à sa ville, le sentiment d’être fier de sa ville. Il est important d’aller au-delà de la demande des administrés. Je pense que c’est à l’élu d’impulser…et puis la sanction, ce sont les élections !


Pour le dossier fusée Tintin, je crois qu’on n'explique jamais assez un projet comme celui-ci. Il faudra à l’avenir -et l’on va s’y employer- bien expliquer ce que cela recouvre, représente et ce que cela coûte parce que je comprends tout à fait qu’on puisse se dire en lisant le journal : “ bon la fusée, elle était là maintenant là bas… et puis qu’est ce que c’est que cette fusée ? Qu'est ce qui va y avoir dedans… est-ce qu’on n’a pas besoin d’autre chose qu’une fusée ? Etc.…” C’est le rôle des élus de bien expliquer ces projets. Je reste persuadé que ce sera un élément d’identité très fort et que les Angoumoisins s’y retrouveront.


Le Suicide des Jeunes

Selon nos sources, le suicide des jeunes à Angoulême est particulièrement important par rapport aux autres villes du Poitou-Charentes. Avez vous des informations précises et envisagez-vous des actions spécifiques ?

C’est un thème qui me paraît de plus en plus préoccupant. On le voit dans les médias nationaux. Sur le plan local, on a eu un certain nombre de colloques auxquels la ville a participé. Ce n’est pas un problème lié à une ville plus qu’une autre, même s’il est vrai que le département de la Charente est plus touché par le phénomène que les départements voisins. Difficile néanmoins de trouver des raisons ! C’est à la fois un problème de santé publique, de suivi et d’accompagnement. C’est avec l’ensemble des structures (comme par exemple la DDAS, le Conseil Général) que l’on peut essayer d’œuvrer pour ce type de difficulté. Une ville n’a pas d’abord des outils d’appréciation suffisants pour dire quel est l’état de la situation, et elle n’a pas les moyens et les compétences pour régler ce type de problèmes. Cela dit, c’est un phénomène que l’on doit prendre en compte, j’en suis pleinement conscient mais que l’on doit prendre en compte collectivement.




Politique

Vous êtes professeur, vous enseignez encore, quelles sont les motivations qui vous ont fait vous engager dans la politique ?

L’envie de servir ! Je me suis engagé dans la vie politique très jeune et j’avais du mal à accepter le discours qui consistait à dire : “ de toute façon on ne peut rien faire, les élus c’est tous les mêmes … ” ; c'est aussi en m’engageant, une façon de prendre mon destin en main ainsi que celui des autres, d’apporter une motivation, une vision du développement de ma ville ; quand on aime une ville, on peut essayer de la servir de différentes manières…



Selon vous, quelles sont les qualités dont doit faire preuve le Maire d'une ville comme Angoulême ?

Tolérance, écoute et disponibilité. Et aussi, une ambition pour sa ville ! Quand j’ai été élu en succédant en 1997 à Georges CHAVANES, la première chose que j’ai dite était qu’il ne devait pas y avoir de parti politique dans une vie municipale : il doit y avoir le parti d’Angoulême. Chacun a ses options politiques, c’est évident. Je ne renie pas les miennes, ça fait 10 ans que je suis dans la même famille politique (UDF), je n’ai pas varié. Mais quand on est maire, on est au service de tous : c’est comme cela que je conçois mon mandat ! Je veux redonner aux Angoumoisins la fierté qu’ils ont perdue ! On mesure difficilement l’impact du passé. Les gens ont dit : “ on ne peut plus rien faire, il n’y a pas d’avenir parce que la ville est surendettée ”

Je souhaite que les Angoumoisins aient envie de rester et d’investir à Angoulême ! Je crois qu’aujourd’hui cette tendance existe et que l'on parle d’Angoulême pour ses projets et non plus pour ses problèmes.



Quels sont les handicaps et les atouts d'Angoulême face à son avenir ?

Handicap : c’est d’avoir pris du retard sur le plan des équipements publics, des infrastructures routières mais tous ces handicaps peuvent être surmontés.

Atouts : il y a un projet de développement fort autour de Magelis, un projet social avec le renouvellement urbain (c’est très important), une grande richesse associative, cette ville fourmille d'idées, d’initiatives. Cette ville a une dimension culturelle très forte et donc, peut attirer des créateurs, des porteurs de projets et enfin, j’insiste, une ville qui retrouve confiance en elle et à partir de là qui a tous les atouts sur le plan de la formation, de l'économie autour d’un projet fédérateur. Je le vois bien au niveau de la région, il n’y a pas beaucoup de villes qui aient autant de projets que nous en avons, et c’est là l'essentiel.



Vous représenterez vous aux élections municipales de 2001 ?

Je suis un maire de 37 ans qui a commencé à engager un certain nombre de chantiers importants dans cette ville et qui a envie de prolonger ce qu’il a entrepris…La question de savoir si je me présenterai aux élections de 2001 ? Je me prononcerai sur ce point précis dans quelque temps. Aujourd'hui, je me dois d’assurer mon mandat actuel. En tout cas, je souhaite continuer à œuvrer pour ma ville quelle que soit la place et la forme que cela prend. En tout cas, je ne suis pas frappé par le blues des maires !





Mise en ligne 26 Mai 2000

Propos recueillis par Lisa PINEAU / Nicolas PINEAU

Remerciements à Christian BARTHOLME, pour sa disponibilité et son écoute