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Etes-vous originaire de Charente et sinon quels événements ont fait que vous vous êtes installé à Port l'Houmeau ?
Non je ne suis pas d'ici, je construisais des ponts pour une entreprise de Chateauneuf-sur-Loire et un des chantiers nous a amenés sur le site de Frégeneuil pour le pont de la déviation sur la Charente. C'est là que j'ai eu un grave accident du travail avec notamment la perte d'un il et les deux jambes broyées. Après la guérison je me suis installé ici, c'était en 1972. Je me suis fixé après avoir circulé dans toute la France à l'époque où je faisais des courses de motos.
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Vous étiez déjà attiré par l'eau ?
Oui, dans l'entreprise où je travaillais, j'étais plongeur et m'occupais des coffrages des piles de pont et des travaux sous-marins. Mais, depuis 30 ans, je voulais construire un bateau, genre petit cargo d'une trentaine de mètres ou une goélette comme celle que je suis en train de terminer.
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On peut dire que c'est le projet de votre vie, est-ce vous qui avez dessiné le plan du bateau ?
Non, j'ai d'abord construit le bateau à mon idée et après, seulement, des amis ont dessiné les plans. Cela étonne toujours, mais, dans la vie, quand on sait ce que l'on veut et qu'on a un minimum de connaissances (comme pour ce projet : la résistance des matériaux ) c'est tout gagné ! Moi j'ai commencé par une hélice et une ligne d'arbre achetée à La Rochelle et que vous avez pu voir sur le terre- plein à coté des énormes outils de forge qui m'ont été offerts.
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Et pour installer votre chantier quelles ont été les démarches ?
Nous sommes ici sur le domaine public, donc j'ai demandé l'autorisation de m'installer au Maire de l'époque: M Chavagne. C'était à l'origine pour deux ans. Les intempéries et les imprévus ont retardé la construction et ça fait quatre ans que ça dure mais je ne gêne personne
enfin il y a toujours des gens que ça gêne ce sont ceux qui n'ont jamais vu ça sur le Port L'houmeau. De toute façon, je considère que j'ai fait beaucoup plus qu'eux pour le port.
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Quelles sont les dimensions de votre bateau ?
Elle mesure 31,50 m de long et 6,20 de large, les écluses font 34 m sur 6,4. Bien sûr j'ai vérifié avant de construire qu'elle pouvait passer, quand j'ai demandé aux Ponts et Chaussées responsables de la Charente, ils ignoraient les dimensions exactes des écluses. Elles varient en effet entre 7 m et 6,40 de largeur et je les ai mesurées moi-même. |
Le Montalembert qui était le bâtiment de la marine nationale qui faisait le transport des canons de la fonderie de Ruelle jusqu'à Rochefort mesurait 6,2 m de large, il chargeait à l'Houmeau, calait 1, 80 chargé de d'une centaine de tonnes et passait partout. Maintenant, la navigation est limitée à 6 m de large maximum et 90 cm de tirant d'eau car ils ont laissé mourir la Charente mais on pourrait très bien la draguer comme à l'origine. Moi, j'aurai une dérogation pour l'unique descente jusqu'à Rochefort.
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Vous comptez naviguer sur le fleuve jusqu'à Rochefort ?
Une seule fois, je vais descendre jusqu'à Rochefort où je vais installer le moteur de 800 CV sur l'hélice principale. Pour ce voyage, j'ai un moteur de 310 CV qui entraîne 2 hélices indépendantes et orientables avec des commandes hydrauliques et qui serviront de propulsion principale. Cet ensemble est récupéré sur un bateau de l'armée que j'ai acheté et que je compte bien transformer, avec un moteur plus petit, en vedette insubmersible et auto-redressable. |
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Pour des raisons de sécurité si la propulsion principale avait une panne, le moteur de 800 CV serait mis en route pour prendre le relais.
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Et maintenant, peut-on visiter l'intérieur ?
En descendant, on passe dans une première pièce, que l'on peut appelle un salon de navigation et qui par beau temps offre une belle visibilité vers l'avant du bateau. En cas de gros temps des volets de protection extérieurs sont prévus. |
Voici les plans, car les Affaires Maritimes ainsi que le bureau Veritas ont demandé des plans et les détails de la construction pour donner l'autorisation de naviguer et garantir le sérieux et la solidité de l'ouvrage en cas de revente. Il s'agit donc d'une goélette avec ses deux mâts celui de l'arrière, le plus grand, de 22 mètres avec des voiles au tiers (en trapèze). |
On pourra monter aux mâts par des échelles de cordes comme dans les voiliers anciens. Je compte installer au sommet une vigie ou un "nid de pie " pourquoi pas avec un tonneau comme dans les films de pirates. Terminé, le bateau pèsera environ 90 tonnes, mais avec ses deux mâts, ses deux grandes voiles, plus toutes celles de l'avant ce sera, je pense suffisant surtout par vent arrière, et puis en cas de calme il reste les moteurs ! |
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Descendons maintenant dans mes futurs appartements vous y tiendrez plus facilement debout. Voici les photos des premières phases de la construction. Je pense, lors de la mise à l'eau, faire un grand panneau avec les principales photos pour expliquer à tous ce que j'ai fait et comment je l'ai fait. Derrière vous, il y a une cloison étanche qui sépare de la chambre des moteurs où sera installé le 800 CV. Vous voyez les pompes de cale. En tout, les pompes débitent 300 m3 à l'heure sans compter les deux qui peuvent s'installer sur le pont. Il y a au total, 5 compartiments étanches, tout est prévu pour la sécurité. A gauche la cuisine, devant la grande table du salon, amovible bien sûr, (elle peut se remonter au plafond) comme tous les panneaux des planchers pour pouvoir inspecter les fonds et vérifier la structure du bateau. Derrière l'ensemble salle d'eau, douche et WC qui forme une cloison en épi se trouve le coin chambre avec un lit de 140 ou 150 les placards, la hi-fi, le tout sera éclairé par des panneaux transparents sur le pont mais pas ouvrant car l'ensemble sera climatisé. J'ai tout fait moi-même, même les bacs à douche. Le tout est rendu étanche avec 240 kg de brai coulé bouillant et j'en suis à 600 kilos de peinture.
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Avant de passer à la partie avant du bateau pouvez vous nous dire quel est votre projet de voyage ?
Je voudrais aller aux Antilles, m'y installer et pourquoi pas ouvrir un restaurant.
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Pour visiter l'avant, il faut passer par l'extérieur ce qui permettra aux occupants une certaine indépendance même si pour des raisons de secours, il y une possibilité "de passage" au travers des placards et penderies qui séparent les deux espaces.
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Puisque nous sommes sur le pont, imaginez- le, entièrement recouvert de lames d'Iroco, un bois exotique un peu comme le teck, j'en ai acheté 5 belles grumes à La Rochelle. Le pont possédera, aussi, une grande écoutille, un panneau de 3,50 mètres sur environ 2 qui pourra s'ouvrir et qui me servira à rentrer à l'intérieur le gros moteur quand je serai à Rochefort, comme elle m'a servi à introduire les volumineux réservoirs à carburant. Bien sûr cette écoutille pourra être étanche en navigation et par grosse mer. |
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Devant vous, en descendant, il y a deux cabines symétriques, une à tribord, une à bâbord. Toutes deux possèdent un W-C, une salle d'eau des placards et une grande couchette double. Tout à l'avant, espace est occupé par le puits de chaîne d'ancre, l'outillage, les groupes de motopompes, le renforcement de l'étrave et un treuil qui permettra de rentrer et sortir le "bois de devant" (le beaupré) notamment pendant les manuvres de port.
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Et pour la mise à l'eau, comment manuvrer une telle masse et quand doit-elle se faire ?
La mise à l'eau interviendra courant juin ou juillet de cette année. Tout à été pensé, le bateau n'est pas tout à fait parallèle au quai. De chaque coté, (il y en a qu'un d'installé et l'autre le sera dans quelque temps), le bateau reposera sur deux porte-charges de 8 roues qui peuvent être doublées, chacun supporte 80 tonnes. |
La quille, elle, repose sur des rouleaux métalliques ce qui facilitera le déplacement. Attachés par un câble à la manille qui est à l'avant du bateau et qui supporte une traction de 3500 tonnes, il y aura trois tracteurs qui, ensemble, peuvent tirer 300 tonnes. Le déplacement aura lieu jusqu'au plan incliné qui existe au bout du quai et, à cet endroit,est disposé une plaque métallique sur laquelle s'effectuera la rotation pour amener l'arrière du bateau en direction de la berge. Ensuite les porte-charges seront l'un après l'autre dégagés et la quille reposera sur des poutres fixées au sol et enduites de savon de Marseille pour faciliter le glissement. Il suffira, alors, au bulldozer de pousser vers l'eau en profitant de la pente qui continue pendant 9 mètres sous l'eau. Ma seule crainte, c'est que l'eau passe par le pont avant que l'arrière ne fasse flotter suffisamment l'ensemble.
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Mise en ligne le 31 mars 2000
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