Rencontre avec Jean-Claude VIOLLET

Député de la Charente

Conseiller Municipal d'Angoulême

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Quel est votre sentiment vis à vis de la nouvelle économie et d'Internet ? Ne pensez-vous pas que les pouvoirs locaux doivent favoriser l'accès des populations à ces nouvelles formes de communication ? Si oui : comment ?

Il va y avoir un réseau de communication grand débit pour Magélis, mais ailleurs que se passera-t-il ? Nous devons veiller à ce que ne se créent pas de nouvelles inégalités territoriales. Internet est un moyen extraordinaire de communication qui doit certes être au service de toute l'économie, mais aussi de la démocratie locale. Et il est de la responsabilité politique d'une collectivité de permettre l'accès du plus grand nombre à ces technologies. Comment faire ? Il faut ouvrir dans nos quartiers des espaces multimédias, accessibles à un coût très bas, voire gratuit. Et puis il y a aussi, des enjeux en matière de formation, et je suis attaché à l'idée d'une université en ligne, pour la formation initiale et continue.
On entend parfois dire que les gens ne se parleront plus, mais à l'expérience, c'est complément l'inverse. A travers un espace forum, ils découvrent le besoin de communiquer, de se rencontrer pour se connaître et poursuivre la discussion ; il y a même des modérations, des médiations qui s'opèrent ainsi, naturellement. C'est une chance extraordinaire, à la condition que ce ne soit pas un nouvel outil d'exclusion ce qui nécessite de l'ouvrir au plus tôt, dès l'école. De même avec l'Intranet, dans une collectivité, on a une efficacité, en terme d'économie de fonctionnement, mais aussi de transparence, à travers une plus grande facilité d'accès à l'information pour les entreprises, les citoyens.
C'est pourquoi l'impulsion doit être politique. D'autant que je suis convaincu qu'on n'en est encore qu'aux balbutiements mais que justement, les premiers qui auront ce temps d'avance feront la différence, pour la conquête de ce nouveau champ.

Dans le passé, vous avez déclaré votre opposition au cumul des mandats et notamment le cumul : Député. Maire d'une grande ville.
Votre position a-t-elle changé ? Si non dans l'hypothèse de votre élection au poste de maire, quel est le mandat que vous seriez amené à choisir ?

D'abord je ne fais pas d'hypothèses. Ce n'est pas moi qui décide de mon mandat, ce sont les électeurs et c'est bien ainsi ! Mais, ceci étant, je peux vous confirmer ma position de fond, mon hostilité au cumul des mandats, et ceci pour trois raisons.
Tout d'abord la disponibilité : un parlementaire doit être totalement disponible pour l'exercice de son mandat. Aujourd'hui je suis député d'un département, élu sur une circonscription et je suis au service des habitants et des élus des 94 communes, à égalité. C'est l'engagement que j'ai pris en 1997 et je m'efforce de le tenir. Une anecdote : lors d'une inauguration, dans une commune rurale, le maire faisait remarquer que la dernière fois qu'un parlementaire était venu officiellement dans sa commune, c'était en 1920 pour l'inauguration du monument aux morts. Cela m'a frappé et j'étais content d'être celui là, qui soutient les élus locaux, par ma présence, mon écoute. Cela fait partie de mon travail parlementaire et cela le nourrit, l'enrichit chaque jour.
Ensuite la transparence : quand j'interviens, c'est en tant que député. Quand je parle des abattoirs d'Angoulême, la presse dit que je tiens le même discours que les élus ruraux. Et bien oui, parce que je suis député et que je m'exprime là sur ce que j'estime être l'intérêt de l'ensemble de la filière viande. Et quand j'estime que la Ville d'Angoulême ne fait pas ce qu'il faut, je le dis.
Le renouvellement enfin. Le cumul peut prendre deux aspects : l'exercice de plusieurs mandats en même temps et le cumul d'un même mandat dans le temps. Or, si on enfile plusieurs casquettes les unes par-dessus les autres et si, en plus, on les garde longtemps, cela ne favorise pas le renouvellement du personnel politique. Et on a besoin de ce renouvellement parce qu'il y a le vieillissement biologique des gens mais aussi l'usure dans la fonction. Ainsi, des jeunes et des femmes s'engagent en politique et j'en suis personnellement heureux et fier. La question subsidiaire, je suppose, c'est : puisque vous êtes contre le cumul, qu'est-ce que vous allez lâcher, et qu'est-ce que vous allez garder ? Pour le moment je suis député et je continuerai mon mandat jusqu'en 2002. Mais je suis aussi candidat aux élections municipales de 2001 à Angoulême. Le sort des élections municipales et le sort des élections législatives relèvent du scrutin populaire. Pour l'instant, je puis donc seulement vous garantir que vous me verrez en tant que député jusqu'en 2002. En 2002, le Parti Socialiste désignera ses candidats aux élections législatives, passées les élections municipales, et cantonales, d'ailleurs de 2001. On verra alors dans quelle configuration politique nous serons. Mais je n'aurai vraisemblablement pas varié dans ma position sur le non-cumul des mandats ; je suis même de plus en plus convaincu de cette nécessité, bien que la loi ne l'impose pas, voyant chaque jour, dans l'exercice de mon mandat de député, tout ce que je n'arrive pas à faire.

Quelles sont, selon vous, les qualités dont doit faire preuve le Maire d'une ville comme Angoulême ?

La première qualité c'est d'aimer sa ville ! Le maire, ce n'est pas quelqu'un qui est au-dessus ou à coté mais qui est avec, qui prend du temps, qui est au plus près des habitants, des forces vives, économiques, sociales, …. Si on veut mener une politique qui change véritablement le quotidien, qui rende la vie meilleure pour le plus grand nombre, il faut être immergé dans sa ville, respirer avec elle. Une expertise est certes nécessaire pour la recherche des solutions, mais après avoir senti les choses du dedans. Il faut que ce soit une façon d'être, avant d'être une façon de faire.
La deuxième qualité, c' est d'être un chef d'orchestre et non un homme orchestre. Pas un homme qui fait, ou veut tout faire mais un homme qui anime son conseil, c'est à dire son équipe, mais aussi qui écoute, et … entend son opposition. Parce que l'opposition a sa place, elle est un miroir pour l'action de la majorité municipale, elle est un contre pouvoir nécessaire, elle oblige la majorité à se poser toutes les questions de fond, à justifier ses choix, ce qui permet d'en vérifier la pertinence.. Le conseil municipal est un lieu où doivent pouvoir s'exprimer des avis.

On doit y retrouver les avis même qui on fait partie d'un débat en équipe majoritaire, induisant la décision. Enfin, le maire, en bon chef d'orchestre, doit jouer avec l'ensemble des forces vives, des acteurs de sa ville. Avec les acteurs économiques, en particulier, parce que ce n'est pas la mairie qui crée les emplois et que le politique doit être un soutien au développement des projets des entreprises. Le maire doit créer le mouvement, l'entretenir, le soutenir et cela ne se fait pas par quelques apparitions ; cela passe par son implication forte et l'établissement d'une relation de confiance. Il faut que l'ambition d'un maire pour sa commune, son territoire, puisse être totalement partagée. Ce qui signifie plus concrètement qu'il doit veiller tout spécialement à ce que le développement ne profite pas qu'à ceux pour qui çà allait déjà plutôt bien ! Et qu'il lui faut aller chercher tous ceux qui sont encore au bord du chemin.

A quelle autre question auriez- vous aimé répondre ?

Peut être, pourquoi j'ai relevé le challenge de me présenter aux élections municipales de mars 2001, ici, à Angoulême? Parce que j'aime cette ville, j'aime ses gens et, au moment où la situation générale s'améliore, je ne peux supporter cette impression que la ville , l'agglomération, ne tirent pas tous les bénéfices de leurs atouts. Parce que la ville n'est pas en capacité aujourd'hui de se mobiliser pour libérer toutes ses énergies, permettre aux gens d'exprimer leurs projets, alors qu'on a tant besoin de cette dynamique, de ce mouvement. C'est vrai que c'est un investissement important, un choix de vie, mais je ne conçois pas ma vie autrement. Et j'ai envie de relever ce défi. J'ai envie de démontrer que dans cette ville dans cette agglomération, dans ce département, avec touts les atouts dont on dispose, c'est possible !

 




Mise en ligne le 20 Novembre 2000

Propos recueillis par Lisa PINEAU / Alain PINEAU

Remerciements à Carine BOUCHERON