LA VEUVE DE SAINT PIERRE

De Patrice Leconte, avec Juliette Binoche, Daniel Auteuil, Emir Kusturica, Michel Duchaussoy...

Ce mois-ci, les cinéphiles sont gâtés. Après le film de Blier, voilà que nous vient le nouveau film de Patrice Leconte. Ne pouvant s'empêcher de tourner telle Sophie D'avant lorsque son clignotant est bloqué, tout de suite après la fin de la Fille sur Le Pont qui entre parenthèses méritait le César du meilleur film cette année, et avant une petite dispute avec les critiques (serait-ce pour cela qu'il n'a pas eu le prix ? ), Patrice parti au Canada avec des grosses chaussettes en laine aux élans brodés pour cette oeuvre ou pour la première fois Emir Kusturica fait l'acteur. Pour ceux qui ne voient pas où est l'originalité de l'affaire ou la curiosité de la chose, il faut savoir que Kusturica est lui aussi un cinéaste et pas n'importe lequel puisqu'il est responsable du Temps des Gitans, d'Underground ou encore de Chat Noir Chat Blanc, autant dire d'un cinéma qui sait capter la poésie créatrice, l'énergie salvatrice, la musique envoûtante et les canards en liberté (coin-coin). Ainsi, si au premier abord, la façon de filmer de Leconte n'a pas grand chose à voir avec celle de Kusturica, c'est oublier que tout les deux sont de formidables artisans du 7 ème art et de véritables amoureux du cinéma.

La Veuve de St Pierre, ne raconte pas les ébats amoureux d'un pote à Dieu avant qu'il monte aux cieux, ni d'une moule retrouvée sur son rocher de St Pierre et Miquelon. Ce qu'on appelle en réalité la Veuve n'est autre que le coupe cigare géant de M. Guillotin, en d'autre terme la guillotine qui coupa la chique à plus d'un innocent (un peu comme le sénateur Bush aux USA). Sur l'île de St Pierre près des côtes québécoise, Neel August un modeste pêcheur de morue se retrouve accusé d'un meurtre bête et méchant. Mais si le marinier est condamné à la peine capitale, il n'y a personne sur l'île pour s'improviser bourreau, alors il faudra attendre que la "Veuve" vienne de France. Le prisonnier est alors placé sous la surveillance d'un capitaine et va faire la connaissance de sa femme Mme La. La belle va alors se nouer d'amitié avec le malfrat. Pensant qu'en chaque homme un être bon sommeille, elle va tout faire pour le tirer ... de là. Elle va tellement s'y appliquer que lorsque la Veuve noire arrivera à bon port, le morutier sera devenu un quasi-héros national. Le capitaine va alors devoir faire le choix entre le couperet de la loi et les suppliques de bon aloi de son épouse. Qui l'emportera, la mort ou Mme La ?

Un film de Leconte, c'est comme l'amour ou la brandade, quand c'est bien fait, ça peut être très bon. De toute façon mis à part deux ou trois petits navets vite oubliés, ce réalisateur est habitué à nous faire saliver par sa finesse du trait et ces récits pleins de charme. Et une fois de plus, nous ne sommes pas déçus. Pour la deuxième fois, il retrouve Auteuil, toujours excellent, qui a abandonné ses couteaux pour une plus grande lame avec laquelle plus rien ne repousse après son passage près du cou. Il interprète ici un militaire large d'esprit (comme quoi tout est possible au cinéma ) et fou amoureux de sa femme faisant passer les dessins de Peyney (là j'suis pas sur de l'orthographe) pour des fariboles volages. Binoche, elle, nous séduit à nouveau et joue avec une grande simplicité cette avocate du pauvre diable. Quand à Kusturica, même s'il a un rôle où le physique prime avant tout, il s'en sort plutôt bien même s'il préféra je pense continuer à nous donner du bonheur derrière la caméra. Sans oublier une note spéciale à Michel Duchaussoy dont les apparitions sont aussi exceptionnelles qu'irrésistibles.