LES ACTEURS

De Bertrand Blier, avec André Dussolier,
Jean-Pierre Marielle, Michel Serrault, Josiane Balasko,
Jean Yanne, mais pas seulement....

Bertrand Blier est un cinéaste aussi insaisissable qu'incontournable dans le milieu du septième art. Faut dire qu'il a de qui tenir le gredin. Baignant dans le cinéma depuis sa plus tendre enfance telle une Murielle Hermine dans le grand bassin ou le caribou dans la prairie, il traîna à tour de rôle ses layettes, ses barboteuses et ses gigoteuses pour suivre Bernard, son père, sur les tournages les plus divers et c'est ainsi qu'il connut et assimila tous les styles, alors qu'il suçait encore son pouce.

C'est sûrement pour cela que les films de Blier ne sont pas contenus dans un genre précis mais sont bien souvent dans un mélange de tout ce qui forme le cinéma sans que jamais cela ne devienne du glouby-boulga pour intello. Car à l'inverse d'un Godard (pas le réalisateur de Shanghai Surprise mais l'autre), ses oeuvres à lui sont compréhensibles pour peu que l'on rentre dans son jeu.

Même si Les Valseuses sont encore dans tous les souvenirs et restent le film culte de bon nombre d'entre nous, il ne faudrait pas oublier Buffet Froid, Tenue de Soirée, Notre Histoire, Trop Belle Pour Toi et Merci La Vie entre autre pour entrevoir l'étendue de talent, d'audace et de bons mots que cache ce réalisateur sous sa barbe et sa casquette couleur pain d'épice. Après 1,2,3 insuccès alors que lui rêvait de Soleil, il se fit plus rare au grand écran et écrivit un roman : Existe en Blanc et une pièce de théâtre Les Cotelettes. Mais voulant s'en payer à nouveau une bonne tranche (de côtelette ?) sur grand écran, il nous revient avec un plateau d'acteurs des plus réjouissants et des plus gourmands.

Ah ! Y'a des vedettes, des champions, je dirais même des dessus de cheminée dans ce film-là.
Comment résumer l'histoire d'un film qui n'en a pas ou qui en a tellement que chaque scène, chaque plan en est une à lui seul ? Pour compliquer un peu la sauce, je me lance mais cela le desservira obligatoirement donc, une fois n'est pas coutume, n'hésitez pas à sauter les quelques lignes qui vont suivre. Imaginons pour une fois un film où les acteurs joueraient leurs propres rôles.

Ainsi, au générique de fin, nous pourrions voir Pierre Arditi dans le rôle de Pierre Arditi, Jean-Pierre Marielle dans le rôle de Jean Pierre Marielle, Josiane Balasko dans celui d'André Dussolier et Bernard Ménez en Bernard Ménez (non, celui-là, il n'y est pas). Y'a pas de quoi rester dubitativement pantois ? C'est pourtant l'idée de départ du scénario du réalisateur. Un film sur les acteurs et leur image publique et privée sans pour autant être un film sur les coulisses du cinéma. Une oeuvre sur leur maîtrise et leur fragilité, de ce qui se passe dans leur tête avant d'être au premier plan.

Présenté comme cela, il est vrai que certains vont faire la grimace, mais moi j'avais prévenu. Car ici, ce n'est pas forcément le récit qui est important mais avant toute chose et comme toujours chez Blier ce sont les dialogues. Des paroles écrites au vitriol qui comme le scorbut nous prennent, nous retournent contre le mur et ne nous lâchent plus.

L'auteur, caustique, ose alors tous les dérapages, toutes les libertés, toutes les situations qui deviendront autant de moments d'anthologie pour notre plus grand plaisir. Nous n'oublierons pas la remise en question de Marielle, l'accident de moto de Depardieu ou le clin d'oeil de Delon.

Ainsi, Blier, barbu mais rarement barbant, s'amuse avec des acteurs qui s'en donnent à coeur joie et qui nous proposent de venir jouer avec eux pour peut qu'on ait envie de les suivre dans leur dernière valse aux délires salutaires à laquelle nous convie le plus grand dialoguiste et cinéaste du cinéma français contemporain.